Celle qui n'était "pas une vraie fille"

 

Il y a quelques mois, alors que demandais à mon accro au smartphone pourquoi j'étais souvent la seule fille présente lors de certaines soirées, alors que la plupart de ses potes sont en couple, il m'a répondu : "Oui mais c'est parce que toi tu ne t'ennuies pas quand on parle de séries ou de jeux vidéo. Toi tu n'es pas une vraie fille !".

Je ne l'ai pas mal pris, au contraire. Il faut dire que depuis des années on me fait cette réflexion. Parce que j'aime les jeux vidéo. Parce que dans mon métier les filles ne sont pas légion. Parce que je ne me maquille pas, ou très peu. Parce que pendant TRÈS longtemps, ma définition de la mode, c'était "un jean patte d'eph tout défoncé*, une paire de vans et une veste à capuche".


*Vu les commentaires qu'on m'a récemment fait sur le bas de mes pantalons, il semblerait que je n'ai pas vraiment évolué sur CE point précis...

Hier soir suite à une discussion sur le mariage, un collègue m'a prouvé par A + B qu'un enterrement de vie de garçon et un enterrement de vie de jeune fille se DEVAIENT d'être fait séparément, grâce à cet argument d'une logique apparemment imparable :

 "Non mais toi par exemple, entre un paintball et une séance de manucure, tu choisirais quoi, franchement?"

...
Voilà voilà.
Vu la position hiérarchique de cette personne et la probabilité assez élevée qu'il tombe un jour sur ce blog, je ne peux pas dire exactement ce qui m'est passé par la tête quand j'ai entendu ça, même en langage schtroumph. Pourtant, croyez moi, je n'en pense pas moins.


Mais pour répondre à cette ô combien stupide question, sachez qu'à choisir... je préférerais le paintball.
Est-ce que cette préférence fait de moi un mec? Ou en tout cas, une "fausse" fille?

J'ai bien envie de répondre à cette interrogation par un plan "thèse - antithèse - synthèse", histoire de me remémorer avec émotion les heures passées à me tourner les pouces en classe de philo.

Thèse : je suis un mec

• Je joue aux jeux vidéos. Et quand je dis "jeux vidéos", je ne parle pas juste de karaokés.
• Je suis déjà allée à une soirée foot-bières-pizza. Et je ne me suis pas ennuyée.
• Pour Noël, mon accro au smartphone m'a offert une 2DS. Et dire que j'étais contente, c'est un sacré euphémisme.
• Je monte moi-même mes meubles Ikéa.
• Je monte moi-même les meubles Ikéa des autres.
• Je suis capable d'installer un antivirus. Je sais même formater un pc.
• Je suis incapable de repasser quoi que ce soit. Une fois, j'ai même réussi à brûler un t-shirt.
• Je n'ai jamais fait de French manucure. 
• Je ne mange pas de salade : pour moi, c'est juste bon à nourrir les lapins.
• S'il le fallait, je serais prête à me nourrir exclusivement de mac do pour le restant de ma vie.
• Je ne regarde ni Grey's anatomy, ni Girls, ni Glee, ni Pretty Little Liars. Pire : je n'ai JAMAIS accroché à Sex and the city.
• Je ne fais pas une montée de lait quand je croise un bébé. 
• Je lis des romans fantastiques et de l'heroic fantasy.
• Je ne joue pas avec mes cheveux.
• Je n'ai pas pleuré devant Ghost. Pire : je n'ai pas pleuré à la fin de Titanic. Pire : je n'ai pas aimé Titanic.
• Je ne connais pas la différence entre du ricil et du mascara. En fait, je ne sais même pas s'il y en a une.
• Je suis capable de tuer une araignée moi même. A mains nues.

Antithèse : et pourtant je suis une fille

• Je me transforme une fois par mois en larve dégoulinante d'hormones.
• Je fais des cupcakes. J'ai aussi essayé les pop cakes. Et je tenterais bien les mug cakes un de ces quatre.
• J'ai souvent besoin de quelqu'un pour m'ouvrir un bocal de confiture.
• Les blagues sur les pets ne me font pas rire.
• Les pets ne me font pas rire
• Je ne sais pas roter. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé...
• Je fais une montée de lait quand je croise un chaton.
• Je lis Biba et Cosmopolitan.
• Je prends des bains, dans lesquels je mets une quantité incroyable de trucs roses qui sentent la guimauve.
• J'ai déjà acheté de la crème anti-celullite.
• J'ai lu le journal de Bridget Jones.
• Je bois des cocktails sucrés et colorés.
• Je connais la différence entre des collants et un legging.
• J'ai des glandes lacrymales ultra performantes.
• Je ne note pas les filles en soirée.
• Je ne m'attarde pas quelques secondes de trop sur "ciné frisson" quand je zappe le soir et que je tombe COMME PAR HASARD sur le film "Ecolos mais lubriques".**

** Toi aussi tu trouves que ça sent le vécu?

Synthèse : je suis moi.

Et si en fait, j'étais juste moi? Une personne caractérisée par des traits de caractère, des nuances, des goûts et des envies, sans associer forcément tout ce que je fais à mon absence de chromosome Y?

Pour moi, la vérité, c'est que JE SUIS une vraie fille. Mais une vraie fille, ce n'est pas (plus?) la caricature décrite par les magazines féminins ou l'image que se font certains membres un peu arriérés de la gent masculine. Une vraie fille, ce n'est pas une petite chose fragile et gloussante, incapable de se débrouiller toute seule, parfait cordon-bleu, accro au shopping et aux soirées commérages entre copines. Autour de moi, il n'y a aucune fille qui corresponde en tous points à cette image stéréotypée.
Autour de moi, il y a entre autres :

• F., qui préférerait aller chez le dentiste plutôt que de devoir subir une après-midi shopping.
• M., fille jusqu'au bout des ongles mais qui n'hésiterait pas à voyager jusqu'au grand nord.
• L., qui possède au moins 30 robes dans son armoire mais qui se ferait une joie d'aller casser la gueule du mufle deux fois plus grand qu'elle qui a eu le culot de lui refuser une priorité.
• M., qui préfère aller voir un bon film indépendant tchéco-slovaque plutôt que la dernière comédie à l'eau de rose avec Alexandra Lamy.
• J., qui a su faire face à une épreuve qui aurait mis bien des mecs à terre.
• D., qui est pour moi la définition même du mot "indépendance".
• A., qui s'y connaît plus en marques de bières qu'en marques de prêt-à-porter.
• J., fan de Glee, de mode, de comédies musicales et de la nouvelle star. Sauf que J.  n'est pas une fille...